La vente à la découpe de la Seine-Saint-Denis et de la banlieue, ça suffit !
Au nom de la production de logements, certains services de l’État et collectivités bradent les derniers terrains disponibles du 93, alors même que ce territoire manque déjà cruellement d’espaces verts.
La Seine-Saint-Denis est un territoire dense, qui cumule les inégalités mais qui recèle encore un peu de foncier et d’espaces naturels disponibles. Le sont-ils pour le bien-être des habitants ou pour celui des aménageurs ? Le rétablissement de l’équité territoriale et l’accroissement des espaces verts en Seine-Saint-Denis sont la moindre des exigences, en réponse au lourd tribut payé par notre département lors de cette crise sanitaire et pour adapter rapidement notre territoire aux changements environnementaux.
Le patrimoine et les services publics fragilisés par la spéculation immobilière
Au lieu de préserver les derniers espaces ouverts, de valoriser le patrimoine et les espaces verts de nos villes, certains services de l’État et collectivités bradent les derniers terrains disponibles et les derniers espaces naturels en Seine-Saint-Denis, au nom de la production de logements, l’arrêté du 20 décembre 2017 affirmant «l’urgence de répondre aux besoins en produisant au minimum 70 000 logements par an». Ce démantèlement en cours ne se lit que dans le détail de documents complexes ou de projets d’aménagement morcelés pour plus d’opacité. Le combat est inégal tant les enjeux financiers de la promotion immobilière sont considérables, les moyens des villes limités, ces situations peu médiatisés et les habitants des quartiers populaires peu écoutés sur l’avenir de leur territoire.
Alors que nous vivons une crise sanitaire sans précédent et que le manque de lits est criant, c’est le patrimoine immobilier de plusieurs hôpitaux du département qui pourrait passer en zone à urbaniser, démantelant ainsi définitivement ces services publics de première ligne. A la faveur des Jeux olympiques, ce sont des écoles ou des établissements publics qui se retrouveront tronqués ou exposés à la pollution comme tant d’autres établissements déjà en Seine-Saint-Denis.
Aux abords du canal de l’Ourcq, à Romainville, Noisy-le-Sec et Bobigny, les dernières zones d’activités industrielles ou maraîchères sont en train d’être transformées en zones de logements toujours plus denses, au prix de déplacements longs et polluants pour ceux qui travaillent ailleurs, accentuant toujours plus les problèmes de pollution de notre département.
Les derniers espaces naturels et la biodiversité sacrifiés sur l’autel du bétonnage
Dans le nouveau plan local d’urbanisme d’Est Ensemble, ce sont plus de 50 hectares de zones naturelles avec la flore et la faune qu’ils abritent, qui pourraient passer en zone d’équipement, soit la superficie de plus de 50 terrains de foot dans le département le plus carencé en espaces verts de France. A titre de comparaison, nos villes disposent de moins de 10 m2 d’espaces verts par habitant alors que la moyenne est de 51 m2 dans les cinquante plus grandes villes de France. Le Pré-Saint-Gervais, détient le record d’être la deuxième ville d’Europe avec le moins d’espaces verts, une association se mobilise pour y implanter une forêt urbaine et redonner un peu d’air aux habitants.
Les derniers espaces naturels, les carrières franciliennes, sont remblayés de déchets pollués ou bétonnées. Le sort des Carrières de l’ouest ou de celles de Romainville, a évolué grâce aux mobilisations citoyennes et aux recours engagés pour défendre la biodiversité, qui ont permis une prise de conscience de leur valeur.
Dans le même temps, le patrimoine industriel ou militaire laisse, de plus en plus, place à des logements. A Romainville, la place centrale, le terrain de basket, les jardins ouvriers (etc.) ont déjà disparu. A Aubervilliers, c’est le fort qui est transformé en éco-quartier malgré son potentiel de parc urbain. A Vaujours, le Lycée de l’environnement et du paysage est sur le point de fermer. A Pantin, le site de la Cité fertile pourrait subir le même sort dans quelques années. Et nous ne parlons pas ici de la disparition des squares, de l’abattage excessif des arbres, du grignotage envisagé des parcs et de leurs lisières (celui de La Courneuve n’est toujours pas à l’abri, pas plus que le parc de la Poudrerie ni celui des Lilas). Partout, le bétonnage provoque la disparition d’un patrimoine bien mal protégé !
On reste songeur en pensant à Berlin qui a laissé l’aéroport de Tempelhof à la disposition des habitants du quartier populaire de Neukölln, malgré le nombre de parcs que la ville compte déjà, et qui font sa réputation internationale. Il faut réagir !
L’avenir de notre territoire, une question capitale
L’absence de vision concertée entre les collectivités, des objectifs de construction de logements qui ne prennent pas en compte la situation de villes déjà en souffrance et en manque de services publics, les difficultés budgétaires des collectivités, les dérogations au droit environnemental et l’absence de débats de fond conduisent à cette situation alarmante.
Est-il nécessaire de rappeler que dans moins de vingt ans, l’Ile-de-France pourrait connaître des pics de chaleurs à 50°C, que 80% des habitants des villes sont exposés à des taux de particules fines dépassant les limites fixées par l’Organisation mondiale de la santé et que la biodiversité s’effondre à un rythme qui s’accélère ? Pourquoi ne pas avoir l’ambition de créer un Grand Paris vert ?
En matière d’urbanisme et d’espaces verts, la Seine-Saint-Denis et l’Est Parisien sont bien mal lotis et cela va perdurer si les choix d’aménagement ne sont pas revus. Ces choix à long terme devraient guider une politique d’urbanisme bien plus qualitative pour ce département, afin de rendre la métropole vivable pour toutes et tous ses habitant·e·s !
Si l’excès de mortalité due au Covid-19 est choquant et révèle à plus d’un titre les inégalités qui touchent la Seine-Saint-Denis, nous demandons aujourd’hui une compensation pour des décennies de maltraitance du territoire.
Nous demandons en priorité pour la Seine-Saint-Denis :
• La protection absolue des zones naturelles et agricoles dans l’esprit de la loi littoral
• Le développement significatif des parcs et des espaces publics
• La préservation des arbres et la restauration de la biodiversité dans l’Est parisien
• Un moratoire sur les projets immobiliers comme cela se fait dans certaines villes comme Bagnolet et un ralentissement des objectifs de densification
• La protection des services publics et de leur patrimoine foncier
• Le développement des mobilités douces et un plan global de réduction des pollutions de l’air et des sols
• Une réhabilitation de qualité des logements plutôt que la destruction de bâtiments existants
• Des espaces suffisants entre les immeubles afin de permettre aux habitants de profiter d’espaces verts de proximité et de garantir la perméabilité des sols ;
• La restauration d’une ceinture agricole de proximité pour assurer la sécurité alimentaire du département et de l’Île-de-France.
Julie Lefebvre
association Patrimoine et Environnement à Romainville
Signataires : Jean-Claude Oliva, Directeur de la Coordination Eau Ile-de-France ; Raphaël Daniel, Réalisateur (Le Pré Saint-Gervais) ; Anna Courouau, Architecte (Les Lilas) ; Sylvain Piron, Historien (Bagnolet) ; Olivier Nouvian pour l’Association le Pré en Transition (Le Pré Saint-Gervais) ; Thomas Brail, Groupe National de Surveillance des Arbres ; Danyel Dubreuil, Chargé de plaidoyer (Pantin) ; Damien Deville, Doctorant en géographie et anthropologie de la nature ; Emmanuel Lacroix, pour le Collectif des Carrières de l’Ouest (Gagny) ; Marie Alléaume, architecte urbaniste (Pantin) ; Nathanaëlle Baes Cantillon, architecte urbaniste (Bruxelles) ; Rodolphe Raguccia, paysagiste (Romainville) ; Jacqueline Lorthiois, Urbaniste socio-économiste
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